Miyamotho Musashi
Par enka, samedi 2 juillet 2005 à 15:16 :: Miyamotho Musashi :: #18 :: rss
Miyamotho Musashi (1584-1645)
Célèbre Samuraï, expert du combat au sabre (Ken-jutsu), l'un des plus importants Kenshi que le Japon ait connu et dont les exploits ont inspiré de nombreux récits. Il est l'archétype du héros médiéval nippon.
Shinmen Musashi-no-Kami, Fujiwara-no-Genshin, naquit dans la province de Harima, et eut durant sa rude enfance les prénoms de Bennosuke, Heima ou Takezo. Son entourage l'appelait aussi volontiers "le petit Tengu". Il utilisa tout au long de sa vie les noms de famille de Miyamoto (le plus connu), de Takemura, de Hirata, de Shinmen ou de Hirao tandis qu'à son prénom usuel de Musashi furent parfois accolés des suffixes à résonance plus guerrière, tel Masama ou Masanobu.
Il était le second fils de Munisai Shinmen, lui-même expert au sabre, et qui le laissa orphelin à l'âge de 7 ans (il fut tué lors d'un duel). Receuilli par son oncle maternel, moine, qui l'amena dans son monastère, Musashi mit ce séjour forcé à profit pour s'entraîner au sabre. Il gagna son premier duel à 13 ans, au cours duquel il tua Arima Yoshibe (Kibei). Trois ans plus tard il tua Akiyama, un autre sabreur de renom. A 17 ans il participa sous la bannière de Toyotomi Hideyoshi à la bataille de Sekigahara (1600) pendant laquelle il fut gravement blessé. Seule sa constitution vigoureuse lui permit de récupérer. A partir de 1604 on le trouve à Kyoto, défiant Yoshioka Seijuro, important expert au sabre de la ville. Il le blessa grièvement, ce qui lui valut la haine du clan Yoshioka. Au cours d'un duel célèbre (combat d'Ichijoji), il tua une douzaine de membres du clan. Puis il reprit sa route, remportant défi sur défi, invaincu dans plus de 60 duels (sauf peut-être, face à Muso Gonnosuke, une rencontre diversement rapportée par l'Histoire). Il avait alors 29 ans. C'était en 1612 qu'il tua, dans un dernier combat singulier qui le fera définitivement passer pour une légende, le célèbre bretteur Sasaki Kojiro (Ganryu) du clan Mori, redouté pour son sabre long (o-dachi). La rencontre eut lieu sur la petite île de mukojima et Musashi vint au combat avec pour arme une longue rame en bois avec laquelle il fracassa la crâne de son adversaire surpris par l'allonge inhabituelle de cette arme improvisée. Musashi ne se battit plus jamais, mais on le trouve encore chargé du commandement d'un corps de réserve par Ogasawara, Seigneur de Kokura, lors du siège du château de Hara en 1638.
A partir du début des annèes 1630 Musashi se consacra entièrement à l'étude de la voie (Do), tout en pratiquant calligraphie et peinture, arts dans lesquels il excellait. L'homme acquiert alors une dimension exceptionnelle, Kensei de son vivant, "saint au sabre". En 1643 il se retira dans la montagne, pour mieux méditer dans la grotte Reigendo (temple de Ungan-ji) du Mont Iwato, à l'ouest de Kumamoto. C'est là qu'il rédigea, quelques semaines avant sa mort, en 1645, le texte "Ecrit des cinq roues" (Gorin-no-sho), qui est devenu un classique de la littérature concernant les arts martiaux (Budo), plus encore que son Dokukodo. Il mourut à l'âge de 62 ans et fut, selon sa volonté, enterré revêtu de son armure.
Au cours de sa grande errance en quête de l'efficacité absolue, à l'image de tant de Ronin parcourant le pays pour leur Musha-shugyo, il expérimenta beaucoup et fit émment sa propre synthèse technique. On crédite Musashi de la création du style Ken-jutsu Emmei-ryu, qui prit plus tard le nom de Nito-ryu (Ecole des deux sabres), puis celui de Niten-ryu (Ecole des deux Ciels). "Niten" était aussi un nom de plume parfois utilisé par le peintre et calligraphe qu'il était devenu dans la dernière partie de sa vie. Si l'école a disparu avec Musashi (le Hyoho Niten Ichi-ryu prétend cependant aujourd'hui transmettre la technique de Musashi), il existe cependant encore des Kata à deux sabres transmis par le Ken-jutsu au cours des siècles suivants.
(Texte tiré de l'"Encyclopédie des arts martiaux de l'Extrême-Orient", G. et R. Habersetzer, pages 436-437)
Miyamoto Musashi (1584-1645) : célèbre Samouraï considéré comme un des grands Maîtres de la tradition du bushidô : la Voie des guerriers. Escrimeur, il a créé lécole dite "des deux sabres" : un long et un court. Devenu un personnage légendaire, sa vie aventureuse et ses exploits ont inspiré dinnombrables romans, nouvelles et pièces de théâtre. À lâge de soixante ans, quelques mois avant sa mort, il se retire dans une grotte pour méditer et rédige à lintention de ses disciples luvre majeure de sa vie : Traité des Cinq Roues.
le Traité des Cinq Roues
Ce traité porte sur les arts martiaux et plus particulièrement lescrime. Mais les principes quil énonce trouvent aussi à sappliquer à toutes les activités de nature stratégique, à tous les gestes de la vie quotidienne : "Je comprenais bien, écrit Musashi, comme il est difficile de maintenir une position face aux événements. [...] Jai appliqué les principes (avantages) de la tactique à tous les domaines des arts. En conséquence, dans aucun domaine je nai de maître."
Le Traité des Cinq Roues nest donc pas seulement un livre de stratégie guerrière ou pour laction. Cest aussi un guide sur la Voie, qui énonce les principes dun art de vivre. Livre à la fois daction et de sagesse, ou plutôt de sagesse dans laction, il révèle le secret dune stratégie victorieuse, dun trajet initiatique qui passe par la maîtrise de soi.
Ce Traité est considéré comme un classique de la littérature universelle. Une traduction française par M. et M. Shibata est parue récemment aux éditions Albin Michel, dans la collection "Spiritualité vivante". Cest dans cette édition que jemprunte la plupart des passages cités dans le présent essai. Toujours populaire au Japon, le traité de Musashi a fait lobjet dune édition récente par le Groupement détudes sur la gestion de Tokyo, destinée plus spécialement aux gestionnaires.
"Dans une auberge isolée, un samouraï est installé à dîner, seul à une table. Malgré trois mouches qui tournent autour de lui, il reste dun calme surprenant. "Trois ronin (guerriers vagabonds, sans maître) entrent à leur tour dans lauberge. Ils remarquent aussitôt avec envie la magnifique paire de sabres que porte lhomme isolé. Sûrs de leur coup, trois contre un, ils sassoient à une table voisine et mettent tout en uvre pour provoquer le samouraï. Celui-ci reste imperturbable, comme sil navait même pas remarqué la présence des trois ronin. Loin de se décourager, les ronin se font de plus en plus railleurs. Tout à coup, en trois gestes rapides, le samouraï attrape les trois mouches qui tournaient autour de lui, et ce, avec les baguettes quil tenait à la main. Puis, calmement, il repose les baguettes, parfaitement indifférent au trouble quil venait de provoquer parmi les ronin. En effet, non seulement ceux-ci sétaient tus, mais pris de panique ils navaient pas tardé à senfuir. Ils venaient de comprendre à temps quils sétaient attaqués à un homme dune maîtrise redoutable. Plus tard, ils finirent par apprendre, avec effroi, que celui qui les avait si habilement découragés était le fameux maître : Miyamoto Musashi."
Cette légende illustre un principe capital de la Voie du Samouraï, selon lequel on doit chercher à vaincre sans combattre.
(On sest inspiré de ce récit pour une scène du film Karate Kid, dans laquelle le maître attrape une mouche avec des baguettes, sous le regard ébahi de son jeune disciple.)
de laction efficace et de la sagesse
Lenseignement de Musashi se définit à deux niveaux :
de laction efficace...
Ne nous y trompons pas. Tous les arts martiaux sont dabord des techniques de défense. Quand on est dans laction, il faut gagner. Pour le Bushi ou Samouraï, perdre cest mourir... Mais la question est de savoir comment gagner par une action juste du point de vue de la tactique et de lattitude. Le guerrier doit, par exemple, "faire perdre à ladversaire son équilibre mental" ou encore "faire naître une certaine tension nerveuse en empêchant ladversaire dêtre sûr de lui". Musashi souligne même limportance "de neutraliser ladversaire directement, sans le laisser souffler, en évitant de croiser son regard". Il ajoute dailleurs : "Le plus important est de lempêcher de pouvoir se restaurer"... À propos de limportance de savoir se rénover dans laction, Musashi dit plus loin : "Lorsque, au cours dun combat qui reste à létat de mêlée, rien navance plus, abandonnez vos idées premières, rénovez-vous en tout et prenez un nouveau rythme. Ainsi découvrez le chemin de la victoire. Chaque fois que vous jugez quentre votre adversaire et vous tout grince, changez dintentions immédiatement et parvenez à la victoire en recherchant dautres moyens avantageux pour vous."
Ces règles trouvent à sappliquer aussi dans le monde de laction en général...
Vaincre, soit! Mais de préférence sans combattre et, dans tous les cas, sans perdre lhonneur.
... et de la sagesse
Musashi se rapproche pourtant davantage de la figure du sage que du technicien des armes. Son enseignement vise dabord à remporter une victoire sur soi. Cest le sens de sa maxime : "Devenez lennemi". Dans son action, le guerrier doit atteindre en lui-même le point où cesse la violence. La maîtrise de soi, enseigne le traité, augmente les chances de maîtriser le monde.
Lintérêt que présente le modèle traditionnel japonais est considérable. Pourtant, lesprit qui anime les principes de Musashi, visant à lefficacité dans laction et à la maîtrise de soi pour atteindre la sagesse, nest pas étranger à la tradition occidentale. On le trouve aussi dans la tradition gréco-romaine, en particulier chez les Stoïciens, bien quil ne sagisse plus dans ce cas du modèle du guerrier mais plutôt de lhomme en progrès et du philosophe, qui nen doit pas moins se considérer comme son seul ennemi, cest-à-dire comme le seul véritable obstacle à vaincre. Épictète revient très souvent sur ce thème. Il dit par exemple:
"Attitude et caractère de lhomme ordinaire: il nattend rien, en bien ou en mal, de soi-même, et tout des circonstances extérieures. Attitude et caractère du philosophe: il attend tout, en bien comme en mal, de soi-même. Signes distinctifs de lhomme en progrès: il ne blâme personne, ne loue personne, ne reproche rien à personne, naccuse personne; il ne dit jamais rien qui tende à faire croire quil sait quelque chose ou quil est quelquun. En cas déchec ou dobstacle, il ne sen prend quà soi-même. [...] En un mot, le seul ennemi quil ait à redouter, cest lui-même."
les principes fondamentaux, selon Musashi
Lenseignement de Musashi peut se ramener à neuf principes :
- Éviter toutes pensées perverses.
- Se forger dans la voie en pratiquant soi-même.
- Embrasser tous les arts et non se borner à un seul.
- Connaître la voie de chaque métier, et non se borner à celui que lon exerce soi-même.
- Savoir distinguer les avantages et les inconvénients de chaque chose.
- En toutes choses, shabituer au jugement intuitif.
- Connaître dinstinct ce que lon ne voit pas.
- Prêter attention au moindre détail.
- Ne rien faire dinutile.
Pour approfondir le sens de ces neuf principes, il faut se reporter à différents passages du traité, mais aussi les considérer en fonction de la tradition des arts martiaux et du bouddhisme zen... Cest le périlleux exercice auquel je me suis livré.
Jai aussi pris la liberté de prolonger ces principes par des commentaires dinspiration moderne et occidentale. Certains de ces commentaires, qui nous entraînent parfois assez loin de lénoncé proprement dit, paraîtront même audacieux... Je crois pourtant avoir respecté lesprit des principes de Musashi.
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